CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 7 novembre 2023, 21BX03738, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 6e ch. (formation à 3), 7 nov. 2023, n° 21BX03738
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 21BX03738
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Pau, 14 juin 2021
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 10 novembre 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000048380931

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête, M. C G a demandé au tribunal administratif de Pau d’annuler l’arrêté du maire de Tarbes du 3 avril 2019, en tant qu’il l’a déclaré inapte totalement et définitivement à toutes fonctions à compter du 2 avril 2019, d’annuler la note du 3 avril 2019 par laquelle cette même autorité l’a placé en disponibilité d’office pour raisons de santé du 2 octobre 2018 au 1er avril 2019, l’a déclaré inapte totalement et définitivement à toutes fonctions à compter du 2 avril 2019, l’a informé de sa mise en retraite pour invalidité à compter de cette même date, et a refusé de reconnaître sa pathologie imputable au service et d’annuler la décision par laquelle cette même autorité a implicitement rejeté son recours gracieux formé contre l’arrêté du 3 avril 2019 et la note du 3 avril 2019.

Par une deuxième requête M. C G a demandé au tribunal administratif de Pau d’annuler l’arrêté du 18 septembre 2019 par lequel le maire de Tarbes l’a placé d’office à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 10 octobre 2019 et l’a radié des cadres à la même date, d’enjoindre au maire de Tarbes de reconnaître l’imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 2 octobre 2015, et de le réintégrer au sein des cadres de la collectivité et de le placer en congé de longue maladie à compter du

1er octobre 2019, date de fin de sa mise en disponibilité, jusqu’à la date de consolidation de son état de santé.

Par une troisième requête, M. C G a demandé au tribunal administratif de Pau d’annuler l’arrêté du maire de Tarbes du 16 mars 2020 en tant qu’il refuse de reconnaître l’imputabilité au service de sa maladie professionnelle déclarée le 2 octobre 2015 d’annuler la note du 16 mars 2020 par laquelle cette même autorité l’a informé, d’une part, de l’avis rendu par la commission de réforme le 12 mars 2020, d’autre part, de ce qu’un nouvel arrêté décidant de la non-imputabilité au service de sa maladie lui serait prochainement adressé et d’enjoindre au maire de Tarbes de reconnaître l’imputabilité au service de la pathologie dont il est atteint, dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement à venir et d’en tirer les conséquences légales.

Par un jugement n°s 1902144, 2000567, 2000968 du 15 juin 2021, le tribunal, après avoir joint les trois requêtes, a constaté qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d’annulation de la note du maire de Tarbes du 3 avril 2019 en tant qu’elle refuse de reconnaître l’imputabilité au service de la pathologie de M. G, a annulé l’arrêté du maire de Tarbes du 18 avril 2019 et celui du 16 mars 2020 en tant qu’il porte refus de reconnaissance de l’imputabilité au service de la maladie de M. G, a enjoint au maire de Tarbes de prendre une décision reconnaissant l’imputabilité au service de la pathologie de M. G et de réexaminer la situation de l’intéressé concernant ses droits à la retraite et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 septembre 2021, le 8 décembre 2022 et le 16 mai 2023, la commune de Tarbes, représentée par le cabinet HMS Atlantique Avocats, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 15 juin 2021 précité en tant qu’il a partiellement fait droit aux demandes de M. G ;

2°) de rejeter l’ensemble des demandes de l’intéressé ;

3°) de mettre à la charge de M. G une somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

— le jugement est insuffisamment motivé concernant l’injonction qui lui est faite de prendre une décision de reconnaissance de l’imputabilité au service de l’affectation mentale de l’intéressé ;

— le tribunal a prononcé une injonction après avoir reconnu l’imputabilité au service de la pathologie de ce dernier sans rechercher sa part de responsabilité liée à son attitude, commettant ainsi une erreur de droit ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l’arrêté du 18 septembre 2019 :

— le tribunal a retenu à tort le moyen tiré de ce que l’arrêté en litige a été pris à l’issue d’une procédure irrégulière tenant à la composition de la commission de réforme dès lors que l’absence d’un médecin expert n’était pas en l’espèce manifestement nécessaire ;

— c’est sans erreur d’appréciation que l’arrêté précité refuse de reconnaître l’imputabilité au service de l’affection mentale dont souffre l’intéressé qui résulte de son incapacité à s’adapter à une situation nouvelle et à un évènement familial douloureux ;

En ce qui concerne l’arrêté du 16 mars 2020 :

— le tribunal a retenu à tort le moyen tiré de l’erreur d’appréciation commise en refusant de reconnaître l’imputabilité au service de l’affection mentale dont souffre l’intéressé qui résulte de son incapacité à s’adapter à une situation nouvelle et à un évènement familial douloureux ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 et 24 novembre 2021 et le 1er mai 2023, M. C G représenté par Me Antich conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Tarbes sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 3 mai 2023, la clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 17 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des collectivités territoriales ;

— le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

— la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

— le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;

— le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

— l’arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Au cours de l’audience publique, ont été entendus :

— le rapport de Mme D,

— les conclusions de M. Duplan, rapporteur public,

— et les observations de Me Cazcarra représentant la commune de Tarbes et de Me Davous, substituant Me Antich, représentant M. G.

Considérant ce qui suit :

1. M. C G, adjoint technique dans les services de la commune de Tarbes depuis 2004, a été placé en congé de maladie ordinaire pour dépression à compter du 2 octobre 2015. Le 28 juin 2017, il a sollicité la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie. Cette demande a été rejetée par un arrêté du maire de Tarbes du 7 décembre 2017, lequel a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Pau du 15 février 2019, devenu définitif.

2. Par arrêté du 3 avril 2019, le maire de Tarbes a de nouveau refusé de reconnaître l’imputabilité au service de la maladie de M. G, et par une note de service du même jour, le maire a repris cette même décision, a prolongé la mise en disponibilité d’office de l’intéressé pour raisons de santé pour la période du 2 octobre 2018 au 1er avril 2019, l’a reconnu inapte totalement et définitivement à toutes fonctions, et l’a informé de sa mise à la retraite pour invalidité. Par un jugement du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté ainsi que la note de service, en tant qu’elle a refusé de reconnaître l’imputabilité au service de la maladie de l’intéressé. Par un second arrêté du 3 avril 2019, le maire de Tarbes a accordé à M. G une allocation d’invalidité temporaire au titre de la période du

2 octobre 2018 au 1er avril 2019 et l’a reconnu totalement et définitivement inapte à l’exercice de toutes fonctions à compter du 2 avril 2019. Enfin, par un arrêté du 18 septembre 2019, le maire de Tarbes a admis d’office M. G à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 1er octobre 2019 et l’a radié des cadres à cette même date.

3. A la suite du jugement du tribunal administratif de Pau du 19 décembre 2019, devenu définitif, le maire de Tarbes a, par une note du 16 mars 2020, informé le requérant de l’avis défavorable émis par la commission de réforme le 12 mars 2020 sur l’imputabilité au service de sa pathologie et qu’il prendrait un arrêté en ce sens. Par un arrêté du 16 mars 2020, le maire de Tarbes a, d’une part, retiré l’arrêté du 3 avril 2019, annulé par le Tribunal, d’autre part, refusé de reconnaître l’imputabilité au service de la pathologie de M. G. Ce dernier a demandé au tribunal administratif de Pau l’annulation du second arrêté du 3 avril 2019 en tant qu’il le déclare inapte totalement et définitivement à exercer toutes fonctions à compter du

2 avril 2019, de la note du 3 avril 2019, de la décision par laquelle le maire de Tarbes a implicitement rejeté son recours gracieux formé le 7 juin 2019, de l’arrêté du 18 septembre 2019, de l’arrêté du 16 mars 2020 en tant qu’il réitère le refus de reconnaissance de l’imputabilité au service de sa maladie et de la note du même jour.

4. Par un jugement du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Pau a constaté qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d’annulation de la note du maire de Tarbes du 3 avril 2019 en tant qu’elle refuse de reconnaître l’imputabilité au service de la pathologie de M. G, a annulé l’arrêté du maire de Tarbes du 18 avril 2019 et celui de cette même autorité du 16 mars 2020 en tant qu’il porte refus de reconnaissance de l’imputabilité au service de la maladie de M. G, a enjoint au maire de Tarbes de prendre une décision reconnaissant l’imputabilité au service de la pathologie de M. G et de réexaminer la situation de M. G sur ses droits à la retraite et a rejeté le surplus de ses demandes. La commune de Tarbes relève appel de ce jugement en tant qu’il a fait droit partiellement aux demandes de M. G.

Sur la régularité du jugement :

5. En premier lieu, le jugement attaqué énonce au point 32 qu’eu égard au motif d’annulation de l’arrêté du 16 mars 2020, il y a lieu d’enjoindre à la commune de Tarbes de prendre une décision de reconnaissance de la maladie de M. G, déclarée le

2 octobre 2015, comme imputable au service. Le motif d’annulation de l’arrêté du 16 mars 2020, figurant aux points 24 à 26 du jugement attaqué, étant précis et circonstancié, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé s’agissant de l’injonction ainsi prononcée doit être écarté.

6. En second lieu, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Pau a commis une erreur de droit tenant à la reconnaissance de l’imputabilité au service de l’affection mentale de M. G, sans avoir préalablement rechercher si l’attitude de l’intéressé avait pu contribuer à la dégradation de ses conditions de travail, relève du bien-fondé du jugement et ne peut, par suite, l’entacher d’irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le motif d’annulation de l’arrêté du 18 septembre 2019 portant admission d’office à la retraite pour invalidité non imputable au service :

7. Aux termes de l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l’incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d’infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, () et qui n’a pu être reclassé dans un autre corps en application de l’article 63 de la loi

n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d’office () « . Aux termes de l’article L. 31 du même code : » La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d’invalidité qu’elles entraînent, l’incapacité permanente à l’exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d’Etat. () ".

8. Aux termes de l’article 16 de l’arrêté du 4 août 2004 : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d’instructions, enquêtes et expertises qu’elle estime nécessaires. Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l’intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l’intermédiaire d’un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d’un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller « . En vertu des dispositions de l’article 3 du même arrêté, la commission de réforme comprend » 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s’il y a lieu, pour l’examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes [] ".

9. Il résulte des dispositions précitées que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d’un médecin spécialiste de la pathologie invoquée est nécessaire pour éclairer l’examen du cas du fonctionnaire, l’absence d’un tel spécialiste est susceptible de priver l’intéressé d’une garantie et d’entacher ainsi la procédure devant la commission d’une irrégularité justifiant l’annulation de la décision attaquée.

10. L’arrêté du 18 septembre 2019 en litige a été pris au vu de l’avis de la commission de réforme réunie lors de sa séance du 28 mars 2019. Il ressort des pièces du dossier que, lors de cette séance, la commission de réforme ne s’est pas adjointe de médecin psychiatre et s’est prononcée au vu notamment des rapports d’expertise des 20 septembre 2017 et du 5 mars 2019 établis par le docteur F, médecin expert en psychiatrie. Or, d’une part, et ainsi qu’il résulte des jugements du tribunal administratif de Pau des 15 février 2019 et 19 décembre 2019, devenus définitifs, la situation médicale de M. G depuis 2015 n’a pas donné lieu à une position claire par les différents praticiens qui l’ont examiné et en raison de la complexité de son affection et des conditions de sa survenance, la présence d’un expert au sein de la commission afin de déterminer si sa maladie mentale était imputable au service s’avérait nécessaire. D’autre part, il ressort des pièces du dossier que le rapport d’expertise du

docteur F ne se prononce pas, comme il lui était demandé conformément aux dispositions de l’article L. 31 du code des pensions civiles et militaires, sur l’invalidité de

M. G, au motif, selon le docteur F, qu’un médecin conseil généraliste de la caisse de la sécurité sociale s’était déjà prononcé sur ce point.

11. Par suite la commune de Tarbes n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Pau a accueilli le moyen tiré d’un vice de procédure résultant de l’irrégularité de la composition de la commission de réforme et a, pour ce motif, annulé l’arrêté du 18 septembre 2019 en litige.

En ce qui concerne l’arrêté du 16 mars 2020 portant refus de reconnaissance de l’imputabilité au service de la maladie de l’intéressé :

12. Aux termes de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable au litige: « Le fonctionnaire en activité a droit : () 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions () / Toutefois, si la maladie provient de l’une des causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l’accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l’alinéa précédent, l’imputation au service de l’accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. ».

13. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d’apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l’absence de volonté délibérée de nuire à l’agent, être regardées comme étant directement à l’origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.

14. Pour annuler l’arrêté du 16 mars 2020 en litige, le tribunal a considéré que l’affection mentale dont souffre M. G est en lien direct avec son activité professionnelle et doit dès lors être reconnue comme une maladie imputable au service.

15. La commune de Tarbes fait toutefois valoir que si la dépression dont souffre l’intéressé a pour origine son changement de poste, les modifications de ses tâches ont été décidées dans le cadre d’une réorganisation générale du service mise en œuvre après la mise en examen du maire alors en fonctions et de certains personnels de la mairie, sans lien avec la manière de servir de l’intéressé, ni volonté de lui nuire et qu’ une telle mesure s’inscrit dans le pouvoir d’organisation normal de l’autorité hiérarchique, qui ne saurait être à l’origine de sa maladie.

16. Il ressort des pièces du dossier qu’en 2015 le maire de Tarbes ainsi que certains agents de la commune ont fait l’objet de mises en examen et qu’une réorganisation du service a alors été décidée. Dans ce cadre, en juillet 2015, M. G, qui exerçait depuis plusieurs années ses fonctions au service technique et donnait entière satisfaction, a été affecté, sans avoir été entendu, ni prévenu en amont, à un poste de gestionnaire du domaine public. A cette occasion, une partie de ses attributions, notamment la préparation des réunions de quartiers et le soutien en matière de gestion des dommages aux biens et des relations avec les compagnies d’assurances, a été transféré à d’autres services, sans qu’il ait pu bénéficier de la formation qu’il sollicitait lui donnant un sentiment, relevé par les expertises médicales, de « mise au placard », alors qu’il donnait jusqu’ici entière satisfaction depuis de nombreuses années.

17. Il ressort en outre des différentes expertises médicales réalisées entre 2016 et 2019 que M. G a subi un choc émotionnel en raison des mises en examen de certains personnels de la mairie. Les rapports établis par le docteur E le 3 novembre 2016, par le docteur F le 5 mars 2019, et par le docteur B le 11 juillet 2018, tous trois psychiatres, s’accordent ainsi pour estimer que l’intéressé, qui n’a aucun antécédent psychiatrique, a souffert de troubles anxio-dépressifs réactionnels à partir de l’été 2015, évoluant en trouble dépressif majeur à compter du mois d’octobre de la même année, soit antérieurement au décès de son père intervenu en novembre 2015. Si l’expertise du docteur E mentionne l’existence d’une fragilité de l’intéressé au sens névrotique, elle ne conclut nullement que la dépression dont il souffre trouverait son origine dans sa personnalité, ni dans la survenance du décès de son père la même année, quand bien même ces éléments ont pu participer à l’aggravation de son état de santé. De même, si l’expertise réalisée en septembre 2017 par le docteur F, expert psychiatre, mentionne que l’intéressé a une personnalité « psychorigide », il ne fait état d’aucune pathologie mentale préexistante à son changement d’affectation, ni d’un comportement inadapté au travail avant ou après la réorganisation du service. Au contraire, il ressort des pièces du dossier qu’il donnait entièrement satisfaction et avait déjà eu l’occasion de changer plusieurs fois de poste sans avoir eu de problèmes d’adaptation. En outre, le docteur A, médecin du travail, indique dans un courrier du

31 août 2017 que l’état de dégradation de la santé de M. G est directement lié à son changement de situation professionnelle. De même, le rapport du docteur B, psychiatre, du 11 juillet 2018 précité constate la persistance du symptôme relevant d’un état de stress post traumatique et recommande que les arrêts de travail depuis la date d’origine de la maladie soient pris en charge au titre de l’imputabilité au service.

18. Enfin, aucune pièce du dossier ne permet d’estimer qu’un fait personnel du requérant ou toute autre circonstance particulière tenant notamment à son état antérieur ou à une prédisposition psychologique serait de nature à détacher sa pathologie du service. Dans ces conditions, et quand bien même aucune volonté de l’administration de nuire à l’agent n’est démontrée, il apparaît qu’il existe un lien direct entre les conditions de travail de

M. G à compter de l’été 2015 et la dépression pour laquelle il a été placé en arrêt de maladie à de nombreuses reprises à compter d’octobre 2015. En conséquence, en dépit de l’avis défavorable rendu le 12 mars 2020 par la commission de réforme, la pathologie dont souffre M. G doit être regardée comme imputable au service. Par suite, c’est à bon droit que le tribunal administratif de Pau a accueilli le moyen tiré de l’inexacte application des dispositions précitées de l’article 57 de la loi du 16 janvier 1984 et a annulé, pour ce motif, l’arrêté du 16 mars 2020 en litige et a enjoint, compte tenu des éléments du dossier, à la commune de Tarbes de reconnaître l’imputabilité au service de l’affection dont est atteint l’intéressé.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Tarbes n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé l’arrêté du 18 septembre 2019 et l’arrêté du 16 mars 2020 en litige.

Sur les frais de l’instance :

20. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. G, qui n’a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune de Tarbes une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Tarbes une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. G au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Tarbes est rejetée.

Article 2 : La commune de Tarbes versera à M. G une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Tarbes et à M. C G.

Délibéré après l’audience du 9 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023.

La rapporteure,

Caroline D

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet des Hautes-Pyrénées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties p=rivées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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